Il m’a bien fallu une dizaine de jours pour trouver un fonctionnement qui convienne à tous, élèves, familles, enseignante. Contrairement à ce qui est annoncé dans le titre de ce billet, ce que j’ai mis en place est sans doute une continuité, mais pas une continuité pédagogique. La pédagogie, l’enseignement, les apprentissages, nécessitent la présence effective de l’enseignant, des interactions entre élèves, l’observation des élèves et de leurs réactions, tout un tas d’éléments qui ne peuvent se dérouler à distance. Le système de classe inversée puis renversée que j’ai mis en place est justement destiné à renforcer ces interactions. En ces temps de crise sanitaire et de confinement, la seule continuité à préserver coûte que coûte est celle du lien entre les élèves et moi et des élèves entre eux. Les contenus des programmes sont loin d’être ma priorité. La priorité nationale pour le moment, c’est d’éviter au maximum de propager ce virus.
La classe étant habituée à l’utilisation de plusieurs outils en ligne tels que http://monecole.fr la continuité du lien ne devait pas poser de problèmes. Mais dès les premiers jours, la saturation des serveurs m’a conduite à trouver une autre solution. De plus, si les élèves pouvaient communiquer avec moi, ils ne pouvait pas le faire entre eux, et le traitement de texte n’étant pas dédié à cet usage, cela s’avérait compliqué. N’ayant pas d’ENT pour l’école, je me suis tournée vers le seul outil qui fonctionnait à ce moment-là : Discord. Tous les élèves ont pu s’y connecter facilement, et même si le dernier a mis 10 jours à nous rejoindre, aujourd’hui tout le monde est là, et ça fait du bien. Tous mes élèves sont équipés d’une connexion Internet et il y a au moins un ordinateur ou une tablette par foyer. Tous les matins, je donne rendez-vous à ceux qui le souhaitent à 10h. Nous faisons l’appel comme en classe, mais surtout, comme en classe, chacun y partage son humeur du jour (sous forme d’émoji) et ceux et celles qui le souhaitent nous expliquent comment ils se sentent et pourquoi.
Les devoirs de la semaine sont regroupés dans un Padlet que je complète au fur et à mesure et les élèves peuvent donc commencer le travail de la journée sans attendre 10h. Après l’humeur du jour, ils me posent des questions si besoin sur le travail du jour, uniquement les questions qui peuvent intéresser toute la classe. Ensuite, chacun.e se met au travail et me pose ses questions en fil privé. Bien sûr, tous les élèves ne se mettent pas au travail à ce moment-là : cela dépend des possibilités et des conditions de vie de chacun. Chacun fait ce qu’il peut, comme il peut. Mais l’énorme avantage du fonctionnement de classe mis en oeuvre depuis le début de l’année, c’est la grande autonomie des élèves face au travail à faire.
Au début, le Padlet était le même pour tout le monde. Mais si certains élèves vivent dans une grande maison avec un grand jardin pour souffler, un espace individuel conséquent et des outils informatiques en nombre suffisant, d’autres sont confinés à 5 dans 40 m2 sans balcon, avec un seul ordinateur ou une seule tablette pour toute la famille, sans compter ceux qui n’ont qu’un seul ordinateur, un parent en télétravail et des petits frères/soeurs à surveiller et occuper. Et encore, tous les élèves sont connectés, c’est loin d’être le cas partout. J’ai donc modifié un peu la mise en forme du Padlet. En bleu, les activités minimum à faire pour maintenir les apprentissages et poursuivre une activité intellectuelle. En blanc, les autres activités. J’ai eu une maman au téléphone, très démunie car n’ayant pas suivi ses études en France et vivant seule avec ses trois enfants qui ont tous du travail à faire. Elle se sentait incapable de faire face et cela la rendait malheureuse. Je lui ai proposé d’apprendre à ses enfants tout ce qu’elle sait et que l’école ne peut pas transmettre : ses recettes de cuisine (quand on cuisine, on fait des maths, on apprend à utiliser un verre mesureur, à appréhender des quantités), ses compétences de couturière, les histoires qu’on lui contait lorsqu’elle était enfant. On peut apprendre aussi beaucoup de choses en-dehors de l’école, et c’est le moment d’en profiter.
En classe, les apprentissages sont adaptés aux besoins de chaque élève, j’ai donc tenté de proposer une certaine différenciation par ce code couleur. Certains élèves reçoivent un travail individuel qui leur est envoyé sur Discord.
Le Padlet est très apprécié des élèves car je peux y poster la suite du feuilleton d’Hermès que je leur lisais chaque jour en classe, ainsi qu’une activité d’EPS chaque jour et une vidéo de relaxation/méditation pour le soir. J’y mets aussi des dictées adaptées à chaque groupe de besoin.
L’application Discord me permet d’avoir des conversations privées avec les élèves pour répondre à leurs questions, leur expliquer un point particulier, et les accompagner plus individuellement en les appelant. J’ai expliqué de cette manière des tracés de géométrie ou le procédé pour additionner ou soustraire des nombres entiers et des nombres décimaux.
Dès le début de l’utilisation de cet outil (qui est conforme au RGPD), j’ai élaboré une charte que j’ai fait signer aux élèves et à leur parents.
Je l’ai cependant modifiée en ce qui concerne les horaires car chaque famille envoie les travaux quand elle le peut. C’est difficile pour tout le monde, il est hors de question d’ajouter du stress aux familles. Quant à moi, je corrige aussi quand je peux mais finalement, je le fais toujours dans la journée ou tard le soir pour que les élèves aient un retour sur leur travail avant de faire celui du lendemain. J’ai finalement proposé peu d’exercices en ligne : ceux de la Classe Numérique d’@orphysmonecole et les parcours d’anglais que j’ai créés sur I love English de la BRNE. Les autres exercices sont faits sur le cahier du jour et les élèves m’envoient les photos de leurs travaux par mail ou sur Discord en messages privés. Pour les corriger, j’ai la chance d’avoir un iPad et un Apple pencil. J’ouvre les photos dans la galerie, je les modifie et je les enregistre avant de les renvoyer. Pour les PDF que je reçois, je les modifie dans GoodNotes. S’il n’y a qu’une page, j’exporte en format image, s’il y a plusieurs pages, je les sélectionne et les exporte en format PDF avant de les renvoyer par mail. Ce traitement de chaque exercice, même facilité par les outils dont je dispose, est très chronophage. Je ne les renvoie donc pas lorsque les exercices sont justes ou lorsqu’il n’y a qu’une seule erreur. J’indique simplement à l’élève que l’exercice est réussi ou je signale l’erreur.
Le système commence à être rodé, je suis en contact avec tous les élèves et je reçois les travaux de tout le monde. J’étais cependant un peu perdue pour savoir qui avait fait quoi, qui avait réussi ou non, qui devait bénéficier d’un accompagnement ou pas. J’ai créé un petit fichier Numbers pour m’y retrouver : les activités de la semaine sont répertoriées, je coche lorsque c’est fait et j’attribue un nombre d’étoiles en fonction de la réussite. J’ai ainsi toutes les informations nécessaires en un seul coup d’oeil. J’aimerais faire en sorte que chaque ligne puisse être automatiquement reliée à un tableau individuel pour pouvoir envoyer un récapitulatif de la semaine à chaque famille mais je n’en ai pas encore eu le temps.
Il était temps de consulter les familles pour avoir leur retour sur le système mis en place. Je leur ai proposé un questionnaire en ligne anonyme pour recueillir leur avis sur la quantité de travail, le temps passé par rapport à celui annoncé, les répercussions ou non du travail donné sur le climat familial, et autres. Les retours sont plutôt bons et les familles se disent satisfaites de ce système. Je ne sais pas si tout le monde tiendra sur la durée. D’autres aménagements seront certainement nécessaires.
M. Florence
Bravo et merci pour ce partage.
M.Florence
Bonjour, je suis enseignante et je suis arrivée sur votre site en cherchant des solutions pour mieux travailler avec ses élèves. Merci pour votre partage d’expérience qui peut permettre, aux enseignants qui souhaitaient se lancer mais n’osaient pas, se passer le cap et d’y aller.
Merci encore.
GaelleD
Merci pour ce retour , j’y ai trouvé des informations très utiles ! Je ne me suis pas encore lancé dans la classe virtuelle mais j’utilise également un padlet et les parcours d’I love English School. Je trouve très intéressante l’idée du questionnaire aux parents : pouvez-vous me dire avec quel outil vous l’avez créé ? Merci.
Soledad Garnier
J’ai utilisé GoogleForm.
Cécile Royer
Bravo pour votre travail ! Merci beaucoup 🙂
Moulin
Très bien résumé
J’utilise aussi discord mais en présentiel deux fois par jour. Ils discutent avec moi entendent ma voix et échangent entre eux. C’est rigolo de voir que les habitudes de tutorat sont tenaces meme à distance ! Certains répondent aux questions des camarades avant moi ! C’est une vraie respiration m’a dit une maman. Je sais que c’est peu mais ils travaillent ensemble comme en classe et ça leur fait du bien. Pour ceux qui ne peuvent être connectés j’envoie mon travail du jour sur Klassroom en pdf et ils peuvent me le renvoyer s’ils le souhaitent. Klassroom a aussi mis en place une visioconférence on va tester ça ! Bon courage à tous